Test de The Last of Us

Alors que tous les yeux sont actuellement rivés sur les consoles de prochaine génération et les projets déjà annoncés par les studios majeurs ces dernières semaines, Christophe Balestra, co-président de l’ambitieux studio Naughty Dog, frappe un dernier coup de maître sur PlayStation 3. Si The Last of Us emprunte à Uncharted toute l’expérience technique accumulée en trois épisodes, il propose une aura et des sensations bien différentes, s’adresse à une autre catégorie de joueurs. Terminée l’opulence, adieu l’excentricité. Pour survivre heureux, vous allez vivre cachés.


Difficile d’écrire en 2013 une histoire surprenante sur fond d’infection dans une Amérique post-apocalyptique. I am a Legend, Resident Evil, The Walking Dead, les références les plus populaires ne manquent pas en la matière. The Last of Us n’innove en rien, s’inspire beaucoup, et pourtant sa narration et l’ambiance qui se dégagent de cette épopée sont au sommet de ce qui a pu être fait sur console. Parce qu’il y a ces personnages, pierre angulaire de ce combat contre la pandémie de Cordyceps. D’abord, Joel. On le découvre un peu perdu, fatigué, distrait. Puis le drame qui le frappe l’endurcit. 20 ans plus tard, quand commence véritablement l’aventure, il s’est affirmé. Véritable brute déterminée, il ne parle pas beaucoup de son passé, mais ses lignes de textes transcrivent à merveille sa personnalité complexe. Puis il y a Ellie, l’adolescente naïve mais décidée, au centre de toutes les attentions, qui assume avec une pointe d’insolence son rôle de sauveuse de l’Humanité. Elle aurait pu être, à l’image de Yorda dans Ico ou Ashley dans Resident Evil 4, une vraie incapable. Bien qu’elle ait souvent besoin d’assistance pour suivre la cadence, elle est suffisamment discrète et efficace au combat pour s’en tirer avec les honneurs. Enfin, il y a les autres protagonistes croisés au cours des quatre saisons de cette année remplie de mauvaises surprises, parfois alliés, souvent ennemis, toujours nécessaires à cette progression scénaristique convenue mais subtilement menée. Un exercice de style réussi jusqu’à la dernière minute malgré un final qui laisse sur sa faim… pour mieux recommencer ?

Oui, pour saisir toute la profondeur du jeu, il faut se frotter au New Game+. Non seulement car les conversations sont encore plus délicieuses quand on connaît le dénouement de l’histoire, mais aussi parce que The Last of Us est un challenge qu’on aime recommencer. S’il revêt l’apparence d’un vulgaire jeu d’action comme il en sort tous les jours sur console, il flirte davantage avec la survie, l’infiltration et la baston, avec une pointe de subtilité. La survie parce que les munitions sont précieuses, et que chaque balle perdue est une chance supplémentaire pour l’ennemi d’en finir avec vous. Les temps sont si durs que chaque bricole trouvée au sol peut être être associée avec une autre afin de former de nouveaux objets, de quoi se soigner ou confectionner de nouvelles armes. Cet esprit MacGyver de l’apocalypse rajoute une dose supplémentaire de tension, déjà très forte, notamment parce que la bricolage demande quelques secondes, toujours précieuses quand on combat l’ennemi. Face à cette pénurie, l’infiltration est souvent la meilleure attitude à adopter, notamment contre les infectés souvent nombreux et redoutables. Certains sont sourds mais rapide, d’autres aveugles mais costauds, dans les deux cas l’attaque létale par surprise est l’option la plus maligne. Pour cela, Naughty Dog a conçu un système de couverture et des interactions aux petits oignons, criant de réalisme et plaisants à jouer. Très vite, on comprend que les infectés ne sont pas la seule menace, et on en vient à combattre davantage d’humains mal intentionnés. Face à eux, la délicatesse est accessoire, la bagarre de mise. Leur cerveau encore intact leur permet d’élaborer des embuscades et des stratégies donnant lieu à de belles et longues séquences de fusillades. L’une d’entre-elle, mémorable, met en scène un sniper qu’il faut contourner tout en éliminant le reste des bandits. Pour pimenter les assauts, Joel peut régulièrement accroître ses compétences au moyen de drogues dures trouvées sur son chemin. On est loin de la personnalisation offerte par les RPG occidentaux, mais la rareté des pilules permet d’accentuer des traits différents selon la partie.

Avec autant de qualités, est-il possible que ce projet soit aussi une réussite technique ? C’est déconcertant, mais oui. Tout, dans ce jeu, relève de l’exploit. Uncharted 3 perd sa place de plus beau jeu de la PlayStation 3, détrôné par ce nouveau blockbuster. Si la direction artistique est somptueuse en extérieur, le clair-obscur fait des merveilles en intérieur. Les expressions faciales des personnages, les textures de leurs vêtements, l’animation de leurs mouvements, la modélisation de l’eau, des objets, sont tels que les transitions entre les cinématiques pré-calculées et le jeu deviennent imperceptibles. En plus d’être naturellement belle, cette œuvre est impeccablement optimisée : exclusivité oblige, malgré un léger aliasing inévitable, aucun ralentissement ne vient gâcher la fête. Les oreilles en prennent aussi pour leur grade. Le doublage, américain comme français, est plein de sincérité et d’engagement. Mais ce qui mettra tout le monde d’accord, c’est la musique, minimaliste, mais si riche… Le thème principal, composé par l’illustre Gustavo Santaolalla, est digne des meilleures musiques de films. Il revient tout au long de l’aventure, souvent dans son plus simple appareil, pour souligner avec brio la solitude et la tristesse que Joel et Ellie doivent affronter. J’ai rarement ressenti autant de passion et d’estime pour un jeu vidéo. La perfection n’existe pas, mais The Last of Us la caresse du bout des doigts.

7 commentaires

  1. Je tiens à rejoindre l’avis de Bastien, The Last of Us est clairement le must have de cette génération ! Merci pour cet excellent test.

  2. Comme toi j’ai fort apprécié ce jeu : sa narration, son ambiance, sa direction artistique, ses dialogues, moins son gameplay même si il est assez bon.
    En particulier j’ai trouvé joel, et, plus encore, ellie fort attachants. La relation entre les deux personnages, un pere, une ado qui malgré tout reste une enfant, fort bien amené.
    Simplement le jeu de cette année 2013 et l’un des tout meilleure de cette génération.

  3. « J’ai rarement ressenti autant de passion et d’estime pour un jeu vidéo » je ne peux qu’approuver cette phrase. C’est ce type de jeu qui me rappelle pourquoi j’aime le jeu vidéo. Bon test 🙂

  4.  » J’ai rarement ressenti autant de passion et d’estime pour un jeu vidéo » je ne peux qu’approuver cette phrase.  »

    A 1000%

  5. Ce jeu était incroyable. Magistral, et ce malgré les limites évidentes que sont l’intelligence artificielle ennemie et le manque de crédibilité des déplacements alliés dans certaines situations (coucou, je suis là, dévorez moi). Je ressors de cette expérience bouche bée, avec une impression d’avoir touché au sommet du jeu vidéo et de n’être pas prêt de toucher à mieux. Mais comme le dirait Nietzsche, ce jeu est un pont vers d’autres meilleurs encore, et non un terme. Vivement qu’il soit dépassé.

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