Séchez vos larmes : la PlayStation 4 commence à reprendre des couleurs ces dernières semaines avec l’arrivée de jeux savoureux, et quelques belles promesses pour 2015. En novembre, c’est The Binding of Isaac: Rebirth, sorte de « remasterisation » enrichie du jeu déjà disponible depuis un moment sur PC, qui faisait son entrée dans le catalogue de la Vita et de la PS4. Ambiance malsaine, donjons démoniaques et collecte d’objets infinie : éloignez les mamans, je vous propose un coup de projecteur sur mon coup de cœur de la fin d’année.
Comme beaucoup de jeux régis par l’aléatoire, The Binding of Isaac: Rebirth ne s’embarrasse pas d’un scénario tortueux. Probablement écrite sur un post-it pendant une courte nuit d’ivresse, l’histoire reste pourtant suffisamment insolite pour justifier toutes les divagations qui suivront. Car le créateur Edmund McMillen, déjà remarqué pour Super Meat Boy, est une fois de plus décidé à donner vie à son petit monde fait de bizarreries qu’il traîne depuis son enfance. Dans cette aventure traumatisante, le héros, Isaac, s’échappe de sa chambre par une trappe le jour où sa mère, frappée par un délire satanique, s’apprête à le sacrifier au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen. Désormais seul dans les sous-sols de cette maison qu’il fuit comme la peste, le bambin progresse dans des salles de plus en plus sinistres. Seul ? Pas vraiment : d’étranges créatures dégueulantes et autres insectes assoiffés de sang se dressent sur son chemin pavé de mauvaises intentions.
Ce propos bizarroïde s’accompagne d’une direction artistique franche avec de faux airs de The Legend of Zelda, déjà esquissée dans la première version. Trait épais, flaques vives, murs humides et sols infectés, l’univers de The Binding of Isaac n’est franchement pas ragoûtant. Parce que devenue trop pénible à manipuler, la technologie Flash été abandonnée au profit d’un nouveau moteur permettant de conférer au jeu une esthétique pixel art agréable, mais assez grossière sur un grand écran. L’étrange option de lissage disponible dans le menu de configuration ne fait pas sensation : avec Isaac, difficile d’arrondir les angles. Quant aux cinématiques qui ponctuent les différentes fins, elles adoptent un tout autre style aux aplats rassurants et aux contours rondouillards. Du coup, l’ensemble manque d’une réelle identité graphique, cohérente, uniforme. La nouvelle structure technique est cependant l’occasion de faire tourner l’action à 60 fps constants et de s’affranchir des nombreux bugs qui avaient fait le bonheur des glitcheurs de la première génération. Côté musiques, Ridiculon s’offre lui aussi un grand écart avec de nouvelles sonorités. Toujours mystérieuse, la bande originale expérimente des pistes moins mélodiques mais plus oppressantes. Difficile de ne pas garder en mémoire les boucles entêtantes de « Diptera Sonata », « Sodden Hollow » ou « Ambush ». À s’arracher les cheveux.
Les savoureux glitchs de la première version ne sont pas la seule raison pour laquelle The Binding of Isaac traîne derrière lui une large communauté de fanatiques. En fait, c’est tout le système du jeu qui s’impose comme une véritable référence, inspirée par le genre dungeon crawler, saupoudrée de RPG et mangée à la sauce trial and error. Chaque nouvelle partie donne lieu à un nouveau niveau généré aléatoirement, dans lequel les objets, les monstres et les boss sont autant d’aides et de handicaps qui dictent le rythme de la progression. Si l’aventure mobilise très souvent les réflexes les plus primaires, elle repose aussi sur de savantes combinaisons d’objets. Isaac — et les autres personnages que vous aurez tout le loisir de débloquer — les accumule, pour superposer leurs effets positifs ou négatifs. Les frêles larmes qui vous servent de projectile peuvent très vite virer au rayon laser dirigeable, comme devenir moins offensives. Une bonne connaissance des quelques 450 objets et des salles spéciales est essentielle pour tracer son chemin jusqu’au boss final, Mom. Boss final ? Pas vraiment. Vous n’imaginez pas combien de fois vous devrez triompher pour, enfin, avoir vu l’intégralité des secrets que McMillen et le studio Nicalis ont planqué dans ce remake. Certains défis relèvent du masochisme, mais c’est le prix à payer pour s’offrir plusieurs centaines de jeu intenses, sans ressentir la moindre once d’ennui. L’enfer n’a jamais paru aussi attachant.