La folie des grandeurs des superproductions de cette génération n’ébranlera jamais la fraîcheur des petites initiatives empreintes de nostalgie. Ainsi, l’époque est à la réhabilitation de ces petits jeux brillants que le temps a trop vite balayé. Après LocoRoco et PaRappa The Rapper, Sony déterre l’un des projets les plus originaux du studio Pyramid, qui avant 2007 ne s’était manifesté qu’à l’occasion de quelques collaborations sur les séries Shining Force et Dragon Ball Z. Dix ans plus tard, les petits globe-trotters ont encore le rythme dans la paupière.
Véritable ovni propulsé par la très sérieuse équipe de Sony Interactive Entertainment, Patapon défrichait à lui seul deux genres rois au Japon : RPG et jeu de rythme. Pour se frayer une place — Patapon sort en Europe en même temps que plusieurs sérieux concurrents, dont un spin-off de God of War et les versions actualisées de Final Fantasy I et II — l’aventure se voit intégralement designée par Rolito, un artiste français dont les œuvres ont fortement inspiré le producteur Hiroyuki Kotani. De cette collaboration inédite nait un style graphique authentique mêlant dégradés colorés, noirs profonds et bestioles rondouillards. Un petit dessin animé interactif vectoriel qui, naturellement, se prête parfaitement au passage à la HD. Invincible face à la terrible épreuve du temps, l’animation des petits bonhommes est toujours éclatante. Les cinématiques granuleuses et les menus austères, eux, laissent supposer que l’équipe s’est contentée d’un portage fainéant plus vraiment adapté aux standards de cette génération.
Déjà séduit par son esthétique avant même de poser mes mains sur la version PSP, j’avais littéralement succombé au chant des guerriers une fois arrivé sur le champ de bataille. Outre l’apprentissage assez rapide des mélodies tribales nécessaires à la progression de ces Lemmings sanglants, Patapon réveillera quelques bons souvenirs aux amateurs de stratégie. À l’image d’un Fire Emblem, certains combattants avalés par l’ennemi ne reviendront jamais au combat, tandis que les grands blessés pourront toujours être ressuscité entre deux missions moyennant finances. Apprendre par l’échec, c’est aussi tout plaquer, charger sa partie et retourner au combat — par exemple en affrontant un boss déjà vaincu et devenu plus fort — pour dégoter de nouveaux équipements et recommencer, encore et encore, tambour battant. À mesure que l’on progresse, les affrontements se révèlent délicats, la faute à un équilibrage de la difficulté pas toujours très astucieux, qui permet néanmoins à l’histoire principale de s’étaler sur une belle quinzaine d’heures.
La subtile gestion des ressources, l’autre pierre angulaire de Patapolis, prend tout son sens lors de la création des guerriers dont les traits dépendent des ingrédients utilisés au pied de l’arbre de la vie. Inutile d’incanter un soldat « Tatepon » si vous partez chasser, votre proie prendra la fuite avant même que vous ne portiez le premier coup si vous ne l’appréhendez pas avec vos meilleurs archers « Yumipon ». Constituer une armée homogène est indispensable pour battre la campagne avec harmonie et sans accroc. Réglé comme du papier à musique, Patapon ne laisse pas vraiment le droit à l’erreur. En l’absence d’option de pause, déjà regrettable dix ans plus tôt, les prises de décisions doivent être franches au risque de briser cette belle chaîne « FeVeR!! » entretenue depuis dix mesures. Ces chaînes, ce nerf de la guerre, sont indispensables pour venir à bout des derniers Zigotons. Complexe, ingénieux et addictif, Patapon reste la référence d’un genre qui ne dit pas son nom. Il le crie : « Pata Pata Pata Pon ».