Difficile pour Nintendo et Masahiro Sakurai de cacher l’ambition commerciale d’un titre comme Kid Icarus: Uprising, dont le héros, assez timide, n’a connu que deux aventures sur NES et Game Boy. Entre portages faciles et recyclages opportunistes, la Nintendo 3DS peine décidément à se forger un caractère bien trempé. Impossible néanmoins de passer à côté du titre incontournable de cette période printanière au soleil plus que menaçant.
Il y a vingt-cinq ans, le jeune Pit étalait l’irascible Médusa venue troubler le Royaume des Anges. Mais la Reine des Ténèbres a plus d’un radeau dans sa chevelure, et revient aujourd’hui affronter le jeune héros assisté de la belle Palutena, sans qui il deviendrait le plus vulnérable des archers. Loin de toutes ces considérations mythologiques, le scénario de prime abord assez pauvre est saupoudré d’une fine couche de délicieuses références à l’ère 8 bits par lesquelles les vétérans seront charmés. En jeu, au milieu de conseils pratiques et de rebondissements se dressent d’innombrables conversations, si généreuses qu’elles en viennent à gêner l’action principale. À moins de connaître l’opticien d’Argus ou d’être parfaitement accoutumé à la langue de Shakespeare, il est impossible de suivre attentivement l’ensemble du propos, pourtant riche, sans se brûler les ailes. C’est dommage, car Pit est probablement l’un des personnages les plus attachants de l’univers Nintendo, un garçon naïf devenu gueule d’ange.
L’aventure est composée de courts niveaux exécutés en une vingtaine de minutes, eux-même décomposés en trois phases : une envolée céleste, de l’exploration pédestre et un affrontement divin. Les séquences en l’air, inspirées des meilleurs rail shooters, sont les plus jouissives, malgré leur courte durée scénaristiquement justifiée par des ailes un peu précaires. La prise en main est rapide et l’action fluide : on dégomme des cibles avec plaisir, on se surprend même à tenter de ne pas en oublier en chemin. Au sol, ce n’est pas la même affaire. L’ergonomie discutable de la Nintendo 3DS gâche incontestablement les sensations de jeu. Comme en 1987, on crispe sa main sur la machine, on souffre, en tentant de concilier combat au corps-à-corps, tirs, déplacements, esquives et mouvement de caméra. Le socle livré avec le jeu soulage en partie les crampes, mais pas la confusion qui règne sur le champ de bataille. Heureusement, Kid Icarus: Uprising a d’autres atouts pour faire oublier les blessures de guerre. Notamment une durée de vie danaïdienne, qui doit beaucoup à la gestion ingénieuse de la difficulté représentée par le chaudron magique. Les amateurs de récompenses et de chasse aux trésors passeront probablement des centaines d’heures à parcourir tous les chapitres à différents degrés d’intensité, à récupérer et miser des cœurs, encore des cœurs, toujours des cœurs, pour mettre la main sur de précieux équipements et la totalité des succès qu’ont imaginé les développeurs. Sans oublier les deux modes multijoueur, friandises à grignoter avec cinq autres compères pour obtenir de nouvelles récompenses. Une richesse titanesque qui a de quoi faire rougir la concurrence, sur portable comme sur console de salon.
Pourtant, il est bien une chose dont Kid Icarus ne peut pas se vanter : son interface aux couleurs discordantes, désorganisée et grossière, loin de l’esthétique irréprochable de Nintendo et de son « seal of quality ». Ce détail mis à part, l’esthétique du titre est indéniable. Chaque nouvelle grosse production sur 3DS ne fait que confirmer l’efficacité de la 3D stéréoscopique, là encore indispensable pour profiter de l’expérience visuelle offerte. Les décors sont particulièrement saisissants en vol, quand la caméra dynamique zigzague entre toutes ces textures photoréalistes tranchant radicalement avec le design réussi des personnages. Au sol, les sensations sont moins poignantes, mais l’action reste fluide en toutes circonstances. Les oreilles en prennent aussi plein la vue, d’abord grâce au doublage impeccable des protagonistes malgré l’absence de voix françaises, puis avec les compositions des grands noms qui ont accepté de participer au projet. Motoi Sakuraba, Yuzo Koshiro, Masafumi Takada, Noriyuki Iwadare et Yasunori Mitsuda : cinq pointures ayant officié dans des disciplines différentes, du jeu d’action au jeu de rôle, et qui parviennent à unir leurs forces pour sublimer le registre épique du début à la fin de cette incroyable odyssée.