Difficile de passer à côté de la série Assassin’s Creed ces dernières années tant Ubisoft Montréal en a fait l’un de ses Chevaux de Troie pour rivaliser avec les licences des studios concurrents. Avec mes habituelles quelques années de retard, je me plongeais l’été dernier dans la première aventure et faisais face à une terrible déception. S’agirait-il là encore d’une licence surestimée par la presse et les joueurs ? Une seule façon de le savoir : se frotter au second épisode et partir à la conquête de l’Italie de l’an 1476 où religion et pouvoir ne font pas bon ménage.
Nouvelle aventure, nouveau bond dans l’Histoire. Assassin’s Creed II plonge le joueur au beau milieu de la Renaissance italienne, avec tous les changements culturels et politiques qu’elle a impliqués en Europe. Non pas que la Terre Sainte et les Croisades m’étaient inconfortables, mais cette autre époque a à mon sens bien plus de charme. Peut-être aussi ai-je une sensibilité particulière avec l’architecture occidentale du quinzième siècle, donnant toute sa splendeur à cette Italie en développement. Dans cette suite directe, le rat de laboratoire Desmond incarne l’insouciant Ezio Auditore da Firenze, freluquet de son état rapidement frappé par l’acariâtreté des Templiers responsables de la mort de son père et de ses frères. Son désir de vengeance et de sang divin sur les mains l’emmènera vers de bien belles destinations : Florence, Venise, le Vatican, ou les vertes contrées de la Toscane et de la Romagne. Son chemin croise bien sûr celui d’autres illuminés, notamment le captivant Leonardo Da Vinci, petit génie de la technologie, qui confectionnera pour lui des accessoires innovants et utiles à sa progression. Les péripéties qui s’ensuivent confèrent à cette suite un charisme certain, où le scénario et la narration gagnent en profondeur à chaque nouvelle rencontre. Ce voyage dans le temps est irrésistible : l’ordre est impitoyable, l’Église tyrannique à souhait, les trahisons légion. Pendant ce temps, chez le petit peuple, les villes fourmillent, respirent, et vivent jour et nuit, à l’instar des meilleurs jeux dits « bac-à-sable ». Mais Assassin’s Creed l’a démontré, cela ne suffit pas. Pour convaincre, cette ambiance doit être couplée à un système et des mécaniques de jeu suffisamment variés.
Inutile de préciser que la très pénible monotonie d’Assassin’s Creed s’était traduite par de vives critiques, parfois sévères mais toujours méritées. Les développeurs ont visiblement décidé d’écouter l’ensemble de ces remarques pour consolider l’expérience dans cette suite et en faire une licence digne de ce nom. Dès les premières minutes, à l’occasion d’un didacticiel, on découvre un éventail de nouveautés, notamment l’intégration de tout un système économique. S’inspirant des mécaniques de bases du RPG, Ubisoft permet enfin au joueur de fréquenter de nombreux commerces, d’améliorer son équipement, de remplir son inventaire, de se soigner, et même de corrompre ou déconcentrer une partie des habitants. Très accessoirement, les bourses récoltées peuvent également être investies dans l’agrandissement de la villa. L’argent ne fait pas le bonheur ? Permettez-moi pour une fois d’en douter. Entre deux assassinats de routine, Ezio a tout le loisir de se prêter à quelques activités ludiques comme des courses sur les toits, des coups de main pour des voisins dans le pétrin, des balades dans des tombeaux exigus qui ne sont pas sans rappeler un certain Prince of Persia… Les randonneurs et les curieux passeront aussi quelques heures à fouiller les cités dans leurs moindres recoins pour y trouver les pages du codex, les trésors et les glyphes qu’elles renferment. Des mécaniques classiques, qui apportent pourtant à cette visite loin d’être touristique beaucoup d’intérêt, et limitent les redondances.
On le sait maintenant, quand on se lance dans un Assassin’s Creed, c’est aussi pour les environnements d’une splendeur rarement égalée sur console. La direction artistique, sublimée par la modélisation et l’animation, est indiscutable. L’architecture des bâtiments, les costumes, les paysages et le grain esthétique sont de petites merveilles visuelles qui se savourent tout au long des vingt heures qui composent l’aventure. De belles balades en perspective, donc, mais de l’escalade de haute volée aussi, car la distance d’affichage est toujours aussi époustouflante, même si elle occasionne quelques ralentissements et un vilain clipping tout de même moins gênant que chez son ancêtre. Mais peut-on blâmer un jeu qui offre une telle ambiance ? La seule mission du Carnaval de Venise, avec son lot de décorations, de masques et de cracheurs de feu, mettra tout le monde d’accord. Saupoudrée d’un doublage français bien plus convainquant et une bande-son toujours orchestrée par Jesper Kyd, cette nouvelle épopée n’a plus l’âme d’une simple démonstration technique, et offre une quantité de bonnes idées pour les nombreuses suites déjà sorties ou en développement.